Lettre à ma fille, 25 mars 2020
Ma chérie,
C'est une situation de film ou de roman de science-fiction que nous vivons. Une situation qu'aucune personne de notre entourage n'a connue avant nous, ni nos parents, ni nos grands-parents, ni même nos arrières grands-parents. Tu pourras dire à tes enfants et petits-enfants, un jour, que tu as vécu le grand confinement de 2020, comparable à nul autre. Tu leur raconteras que nous nous sommes enfermés dans notre appartement parisien, comme tous les gens autour de nous en France, en Europe et dans le monde entier. Que nous étions des milliards de personnes à être confinées. Que les capitales d'ordinaire bruyantes sont devenues silencieuses, les rues désertes comme dans des villes fantômes. Que les écoles, les restaurants, les magasins ont fermé, que le monde a cessé sa course effrénée. Tu leur diras combien nous étions inquiets pour nos parents, nos grands-parents, toutes les personnes âgées, fragiles ou malades, et aussi pour nous-mêmes, car chacun pouvait contracter le virus. Tu leur diras qu'on ne pouvait plus voir sa famille ni ses amis, mais qu'on s'est mis à les appeler plus souvent, à prendre des nouvelles, même de celles et ceux qu'on n'avait pas vus depuis longtemps. Tu leur diras que tous les soirs, à 20h, nous interrompions le dîner pour sortir sur le balcon et applaudir les médecins, les infirmières, le personnel de santé qui se battait dans les hôpitaux surpeuplés pour soigner et sauver les malades qui affluaient par milliers. Tu leur diras qu'on s'est mis à faire l'école à la maison, du sport dans le salon, des soirées pyjamas. Que tes copains te manquaient, mais que pour garder le contact avec eux, tu leur envoyais chaque jour un petit film que tu réalisais avec tes playmobils. Qu'ils se sont mis à faire la même chose, que vos messages sont devenus comme une grande chaîne de jeux à partager. Tu leur diras que nous étions enfermés mais pas malheureux, car nous étions tous les trois, papa, maman et toi. Tous les trois, en bonne santé. Que c'était ça, le plus important. Tu leur diras : oui, j'y étais. J'ai vécu le grand confinement.
Maman
Brief an meine Tochter, 25. März 2020
Mein liebster Schatz,
wir leben zur Zeit wie in einem Film oder einem Science Fiction. Eine Situation, die niemand von uns je zuvor erlebt hat, weder unsere Eltern, Großeltern noch Urgroßeltern. Die wirst Deinen Kindern und Enkeln irgendwann sagen können, dass Du die große, unvergleichliche Ausgangssperre von 2020 erlebt hast. Du wirst Ihnen erzählen, dass wir uns in unsere Pariser Wohnung eingeschlossen haben, so wie sich alle eingeschlossen haben in Frankreich, in Europa und auf der ganzen Welt, dass Milliarden Menschen in der Ausgangssperre gelebt haben. Dass es in den sonst lärmenden Großstädten ganz ruhig wurde, die Straßen verlassen waren wie in einer Geisterstadt. Dass Schulen, Restaurants, Geschäfte geschlossen waren, dass die Welt ihren Konsumrausch unterbrochen hat. Du wirst ihnen erzählen, dass wir uns große Sorge um unsere Eltern, Großeltern, um alle Alten, Kranken und Schwachen gemacht haben, aber auch um uns, denn jeder konnte sich diesen Virus einfangen. Du wirst ihnen erzählen, dass man seine Familie, seine Freunde nicht mehr sehen konnte, dass man aber viel öfter als sonst telefoniert hat, auch mit denjenigen, die man lange nicht gesehen hatte, um zu hören, wie es ihnen geht. Du wirst ihnen erzählen, dass wir abends gegen 20 Uhr das Essen unterbrachen, um auf dem Balkon zu applaudieren: den Ärzten, Krankenschwestern, Pflegern, allen, die in den überbevölkerten Krankenhäusern darum kämpften, die Kranken, die in Scharen strömten, zu pflegen und zu retten. Du wirst ihnen erzählen, dass wir den Schulunterricht zu Hause abgehalten, Sport im Wohnzimmer gemacht und ganze Abende im Pyjama verbracht haben. Dass Du Deine Freunde vermisst hast, aber ihnen, um den Kontakt zu halten, jeden Tag kleine selbstgedrehte Filme mit Deinen Playmobil-Figuren geschickt hast. Dass sie daraufhin dasselbe gemacht haben und so das Spiel der Ketten-Nachrichten entstand. Du wirst ihnen erzählen, dass wir zwar eingesperrt, aber nicht unglücklich waren, weil wir ja zu dritt waren, Papa, Maman und Du. Alle drei gesund, und dass das das Wichtigste war. Du wirst ihnen sagen: ja, ich war dabei, ich habe die große Ausgangssperre miterlebt.
Deine Maman
Übersetzt von Isabel Kupski.